CHERCHONS L'ERREUR

Publié le par leblogdeterry.over-blog.com

2052 : Les grandes puissances industrielles l’avaient finalement emporté sur la Nature.
Il ne restait plus que quelques jours dans ce combat inégal pour que l’Océan finisse par disparaître complètement, définitivement remplacé par la substance nauséabonde et noirâtre qu’utilisait alors des millions d’êtres humains  pour se déplacer, encore et toujours plus vite .
©Gipsy Titi

 

Tous ces gens passaient en effet beaucoup de temps dans des véhicules très gourmands en pétrole : tous les matins pour aller bosser, tous les soirs pour rentrer chez eux, le plus souvent seuls derrière leur volant. Parfois ils regardaient effarés d’autres êtres humains le nez collé contre la vitre d’un tramway ou d’un bus mais ils ne comprenaient pas qu’il était possible de se déplacer autrement.

Il arrivait aussi qu’un fou juché sur un vélo les dépasse dans un bouchon et la tentation était grande de l’écraser d’un simple coup de volant.

La musique du matin, douce mélodie de l’auto-radio composée d’infos plus catastrophiques les unes que les autres et de publicités qui flattaient leurs plus bas instincts, les renforçait dans leur choix de vie du moment : moi d’abord !

Ce matin-là néanmoins une information particulièrement extraordinaire retint l’attention des automobilistes du monde entier : il n’y avait plus de pétrole, l’ensemble des stocks restant s’étant finalement malencontreusement déversé dans l’Océan, on ne pouvait rien faire c’était comme ça et pas autrement, les responsables avaient disparu, les gouvernements s’avéraient impuissants, les fuites n’avaient pu être colmatées , fini les petits poissons, les gentils dauphins, algues, coquillages, adieu baleines, crustacés, pélicans, mouettes et autres volatiles.

Hum peut-être qu’on pourra toujours manger des bâtonnets de crabe et du poisson pané grâce à toutes ces nouvelles découvertes génétiques annoncées parfois à la radio. Mais plus de pétrole ?

Que va-t-on devenir ? Ne peut-on pas filtrer l’eau de mer et récupérer le précieux pétrole ?

Bah non c’était impossible d’après les infos ce soir à minuit il n’y aurait plus une seule goutte de pétrole sur notre petite planète …

Pourtant il y avait eu cette année là des signes avant-coureurs de cette grande catastrophe, signes qui n’avaient finalement pas inquiété grand monde, les médias bien informés par les lobbies pétroliers ayant abondamment relayé l’idée selon laquelle l’impact écologique de nos activités industrielles était moins important que notre développement économique.

Pour les historiens et les sociologues qui se sont par la suite penchés sur cette période particulière, une chose paraît aujourd’hui établie : à cette époque tout le monde savait qu’on allait droit dans le mur. Nous savions et nous n’avons rien fait pour que cela change.

De nombreux incidents auraient pu alerter les autorités et mobiliser l’opinion publique…

Pendant quelques semaines en effet un volcan avait paralysé le trafic aérien de nombreux pays européens, plus un avion pour décoller, des files de gens impatients, déboussolés, s’allongeaient inexorablement devant les agences des compagnies aériennes. Dans leurs jardins près de l’aéroport de Roissy, quelques français redécouvraient des plaisirs simples depuis longtemps oubliés : un grand ciel bleu sans un seul trait d’avion, des gazouillis d’oiseaux, et aussi le silence pendant la sieste.

Avec une certaine ironie sans doute le temps n’avait en effet jamais été aussi beau, soleil et grand ciel bleu, et tout le monde scrutait le ciel à la recherche du fameux nuage de cendres : vous êtes sûr on peut vraiment pas décoller ?

Un continent entier de déchets plastiques dérivait en plein milieu de l’océan atlantique, un autre dans l’Océan pacifique, et cela ne perturbait en rien nos bonnes vieilles habitudes : bouteilles, sacs, bouchons, bidons, sachets, continuaient de remplir nos poubelles, nos décharges, nos terrains vagues, nos plages, nos rivières, nos océans …

Comment cela était-il possible ?

Après quelques jours d’orages et en plein été le littoral basque avait été littéralement envahi de détritus en tout genre : plastiques, bois, l’eau de mer remplie de ces déchets semblait elle-même poussiéreuse, un surfer s’était étouffé dans un sac « vacances propres » après un take off malheureux où il avait cherché à éviter une vache morte et un poteau à la dérive recouvert de fils barbelés.

Plus un seul drapeau bleu en vue, nos belles plages étaient devenues impropres à la consommation.

L’ensemble des gouvernements réunis autour d’une même table pour décider main dans la main des mesures à prendre pour lutter contre le réchauffement climatique se heurtait à un sérieux camouflet : une fois de plus, le développement économique dictait sa loi aux imbéciles  qui rêvaient de protéger l’environnement.

Les espèces animales et végétales continuaient de disparaître massivement dans l’indifférence générale : nous adressions nos condoléances aux tigres, pandas, rhinocéros, nous prenions encore quelques photos avant disparition complète des stocks, pensant montrer quelques belles images à nos enfants, adieu les neiges du Mont Fuji et du Kilimandjaro, plus personne ne s’intéresse à vous.

La forêt amazonienne livrée à ses tortionnaires se couvrait chaque jour de cicatrices de plus en plus nombreuses, il se disait alors que l’équivalent de la surface d’un terrain de football partait en fumée toutes les deux secondes.

Les tensions entre activistes de la cause écologique et les industries multi tentaculaires ou locales étaient de plus en plus fortes : un militant d’une célèbre organisation de défense de l’environnement s’était fait harponner par un pêcheur de thon rouge, dans ce type d’opérations les insultes fusaient très régulièrement sur les militants et les armes étaient de retour.

Une première plateforme pétrolière avait cédé et des millions de litres de brut s’était déversé jour après jour au large de la Louisiane, le pétrole avait fini par remplir complètement le golfe du Mexique après plusieurs mois de fuite ininterrompue.

Après un malheureux concours de circonstances, le drame s’était  mystérieusement reproduit dans tous les Océans de la planète qui n’étaient plus désormais qu’un mélange salé de pétrole et de déchets plastiques.

Dorénavant il était impossible de se baigner sans risquer des lésions dermatologiques fatales pour l’organisme humain.

Un pré-adolescent qui ne pouvait plus surfer depuis des mois avait fini par craquer : une simple allumette jetée dans ce mélange improbable avait enflammé très rapidement le golfe de Gascogne puis l’ensemble de l’Océan Atlantique, la mer n’était plus qu’un vaste incendie, une substance noirâtre en ébullition, il faisait chaud, de plus en plus chaud pendant ce nouveau flash d’information catastrophique.

Pourvu que la clim ne s’arrête pas pensaient certains automobilistes, pas loin de périr dans cette fournaise .

La suite est entre nos mains ...

 

( Gipsy Titi  juin 2010 )

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